samedi 14 janvier 2017

Les noms des rues de Layrac - 2

Nous poursuivons par ce second volet l'étude des noms  des rues de Layrac, débouchant sur la place de la Mairie ou  place Jean Jaurès.

La rue Salengro


Sur les livres terriers*, cette rue est appelée "Rue des Claustres" (cloîtres), puis plus tard "du claustre"; Voici pourquoi:
Au début du XVème siècle le monastère des Bénédictins, qui a traversé la guerre de 100 ans et des années de luttes et de pillages, est dans un état proche de la ruine, comme le sont aussi les possessions qui en dépendent (dont le moulin du Gers). En 1409, le prieur de l'époque, Jean de Bergonhan écrit au pape Grégoire XII pour s'en plaindre et obtenir des aides. Son appel est entendu et l'aide doit être généreuse à l'égard de ce fief clunisien qu'est Layrac, car le Prieuré est entièrement reconstruit, mais de l'autre côté de l'église, côté nord. 
La ville va pouvoir alors s'étendre sur le vaste emplacement dégagé et commencera par y installer son cimetière.
La mémoire populaire garda toutefois l'emplacement du cloître primitif en donnant donc à la rue qui le longeait tantôt le nom de "Rue des Claustres", tantôt celui de "Rue du claustre" : Y aurait-il donc eu jusqu'à 2 cloîtres dans le premier prieuré, l'un principal et l'autre secondaire ?

Cette rue conserve encore une trappe de manutention de l'éclairage public à bain d'huile ou de pétrole qui permit d'éclairer quelque peu les rues de Layrac entre 1828 et 1896. Il fut ensuite remplacé en 1897 par de l'éclairage électrique. Layrac possédait 31 de ces lampes à pétrole, suspendues au milieu des rues du centre-ville et qui furent conservées encore quelques années après le passage à l'électricité pour pallier aux éventuelles coupures en cas de crue du Gers.



La rue porte maintenant le nom de Roger Salengro. Mais qui était-il ? 
Roger Salengro, originaire de Lille dont il fut le maire, (1890-1936) fut ministre de l'Intérieur sous le gouvernement socialiste de Léon Blum. Victime d'attaques continuelles et de calomnies, de la part du journal d'extrême droite Gringoire, il finit par mettre fin à ses jours en novembre 1936, âgé seulement de 46 ans.


Pour rendre hommage à cet homme de Gauche, la municipalité layracaise socialiste présidée par André Bonnet (maire de 1935 à 1941, puis de 1947 à 1965) décida de donner son nom à cette rue. Cette décision fut prise lors de la séance du Conseil Municipal du 15 décembre 1936, à la demande du conseiller municipal Bédril.


La rue Auguste Boussac


Elle portait autrefois le nom de rue de Verdun, car c'était l'axe qui permettait de relier le centre du village à la Porte de Verdun, l'une des 3 portes qui verrouillait l'entrée du bourg fortifié qu'était Layrac. (Pour rappel, les deux autres portes étaient celles de Salens et de La Rue). Les maisons qui la bordent, côté nationale 21, sont bâties sur les murs et fossés de cette seconde enceinte fortifiée dont était doté Layrac et qui fut démolie dans les années 1621-1630. La rue faisait à l'origine un L et englobait une portion de l'actuelle rue Cassius.

Ce quartier de Verdun abritait de nombreux foyers de la religion dite réformée ou protestante. C'est donc dans cette rue que furent édifiés le temple et le cimetière protestants de Layrac.
Le Protestantisme s'installe en effet à Layrac à partir de 1555, date à laquelle la vicomté du Brulhois passe sous la suzeraineté de Jeanne d'Albret. En 1576, Layrac est une place forte protestante, dotée d'une garnison. Il était donc logique que la communauté ait son temple, parallèlement à l'église paroissiale catholique et au prieuré bénédictin. Il fut édifié vers 1596 sur l'emplacement de la maison noble de Fénix et démoli par arrêté royal en janvier 1671. Les biens des Protestants furent donnés par Louis XIV à l'évêque de Condom et l'emplacement du temple donné en 1730 par Louis XV à Léonard Mengin, sieur de Salabert, écuyer et garde du corps du roi, habitant à Astaffort. Celui-ci le vendit à son tour en novembre 1730 à Pierre Boussac, bourgeois de Layrac, qui possédait déjà une maison contiguë à cet emplacement.
La muraille qui subsiste à cet endroit à été plusieurs fois surélevée, mais ses parties les plus anciennes sont très certainement les vestiges du mur d'enceinte de l'ancien cimetière protestant. 




A noter en face de cette structure le ré-emploi dans un but décoratif, au dessus d'une porte menant à une cour, d'un modillon roman.
Il est en tous points semblable à ceux qui ornent le haut du chevet et de la nef de notre église Saint-Martin. Visiblement, il n'en manque pourtant pas .... Peut-être provient-il des démolitions d'une partie du mur nord de l'église, effectuées lors des travaux de reconstruction du prieuré, en 1738-1740 ? 



Revenons maintenant au nom actuel de la rue, c'est à dire Auguste Boussac : 

Mais qui était Auguste Boussac
Joseph Charles Auguste Boussac est né à Layrac, rue de Verdun, le 25 novembre 1829. Il fut élève à l'école Polytechnique, la fameuse X, promotion 1851. Il devint Inspecteur Général des Postes et Télégraphes et fut élevé au rang de Chevalier (1869) puis d'Officier de la Légion d'Honneur (1881). Il fit une grande partie de sa carrière en Algérie mais occupa aussi des postes à Limoges, Auch, Toulouse et Agen, pour la terminer à Paris. 


Peu après sa mort, pour honorer cet enfant du pays, la Municipalité de Léon Cassius décida de donner son nom à la rue de Verdun, lors de sa séance du 5 février 1893.



Layrac conserve le souvenir d'autres membres illustres de la famille Boussac : 

Nous avons eu un Jean Boussac qui fut maire de 1800 à 1804.

Puis, bien entendu le célèbre auteur dramatique Albert Boussac de Saint-Marc (1885-1958) qui vécut dans cette rue, comme le rappelle la plaque apposée sur sa maison. 



Issu de la famille Boussac de Layrac, il publia un premier recueil de nouvelles en 1908 Une tempête dans un verre d'eau, mais ne fut révélé au grand public qu'en 1921 avec Le loup de Gubbio. Son succès éclate en 1928 avec Moloch, créé à la Comédie française. Vivant à Paris, il n'oublia jamais son village de Layrac : en 1933 il y créa sa pièce Le Bon Grain, afin de financer les travaux de réfection du dôme et des charpentes de l'église.
Il fut lui aussi Chevalier de la Légion d'Honneur


* Un Livre Terrier est un livre faisant l'inventaire des possessions des habitants ou "tenants". C'est l'ancêtre de nos cadastres actuels. 



(Vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir et mieux lire les textes)