Nous poursuivons avec cet article l'étude des rues de
Layrac, qui a débuté avec la Rue de Montfort (voir publications du 10 novembre
2010 et du 10 janvier 2011), pour nous pencher sur l'une des rues les plus énigmatiques et des
plus intéressantes du vieux Layrac : la rue des Sept-Sceaux.
Énigmatique de par son nom et intéressante car elle n'a
guère évolué depuis la fin du XV ième siècle !
La photo ci-dessous, prise dans les années 30 nous en offre
en effet une image assez proche de ce qu'elle devait être au Moyen Age.
La rue des Sept Sceaux, sur une carte postale des années 1930 |
Que dire de son nom : des Sept-Sceaux ?
Si l'on fait quelques recherches, on trouve que le concept
du chiffre sept associé à des sceaux n'est présent que dans le livre
de l'Apocalypse selon Saint Jean : cela semble un peu farfelu et bien mystérieux pour notre rue. Il apparaît
donc très vite que l'orthographe "sceaux" est une erreur de
transcription récente. En effet, sur le cadastre Napoléonien publié en 1828, l'orthographe
est "seaux". (le mot est
calligraphié de la même façon que "Beaux
", une rue plus loin).
Par contre, sur les cadastres ou "livres terriers" antérieurs, de
1760, 1679 et 1624, l'orthographe fluctue entre "seaux" et "saux" .
Extrait du cadastre napoléonien de 1828 (cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Nous arrivons pour le coup à une explication beaucoup plus
pertinente : le mot "saux" est une dérivation de "saulx",
lui-même provenant du latin salix, salicis , le saule.
Nos sept sceaux
seraient donc sept saules !
Une nouvelle recherche, géographique cette fois, à travers la France, nous confirme que notre
hypothèse à des chances d'être la bonne :
Il existe une rue des Sept Saules dans la commune d'Othis
(77280 – Seine et Marne)
Il existe même une ville de Sept-Saulx dans la Marne (51)
Il existe un port de Sept-Saulx en Moselle (57)
Il existe un port de Sept-Saulx en Moselle (57)
Le port de Sept-Saulx (57) Carte postale colorisée, vers 1915 |
Mieux encore, la ville de Saussines, dans l'Hérault, dont l'étymologie est la même, a pour armoiries
…. Sept saules !
Armes de la ville de Saussines (34) |
Il semble dès lors évident que l'on rencontre une
association, somme toute assez courante dans notre histoire, du chiffre sept et du saule.
Il y a 7 saules sur les armoiries de Saussines et non pas
3, 5 ou 8 !
Cela a même inspiré certains artistes :
"Sept saules élagués" Gravure de Jean Eugène BAFFIER - Musée du Berry , Bourges |
Reste à savoir pourquoi ?
Le saule
C'est un arbre qui existe depuis la plus haute antiquité et
qui fait partie de ces arbres que vénéraient nos ancêtres celtes et gaulois.
Son nom latin provient d'ailleurs du celte et signifie "près de
l'eau". C'est un arbre poussant en effet près des rivières et points
d'eau, en bordure de fossés.
Son écorce, réduite en poudre, est connue dès l'époque antique
pour soulager fièvres et douleurs. On en extraira plus tard l'acide acétylsalicylique
ou "aspirine"
Planche botanique du Saule |
Le 7
Depuis l'Antiquité et les débuts de la Chrétienté, le
chiffre 7 est hautement symbolique : il correspond aux jours de la création, repris dans notre semaine, aux péchés capitaux, au nombre de premiers
diacres ordonnés par les apôtres (cf Actes 6, 1-6), mais aussi aux fameux
sceaux qu'il faut briser dans l'Apocalypse.
Il en va de même dans la tradition
hébraïque :
- Lors de la prise de Jéricho, sept prêtres
portant sept trompettes doivent, le septième jour, faire sept
fois le tour de la ville. (Josué 6, 6-20)
- Salomon construisit le temple en sept ans.
- Lors de la mort d'un proche parent, on observe une période
de deuil de sept jours (Chiv'a).
On retrouve ce chiffre dans les sept branches de
la ménorah (chandelier), les sept rives d'Israël (Abraham, Isaac,
Jacob, Moïse, Aaron, Joseph, David)...
7, c'est le nombre
des Merveilles du monde Antique, celui des couleurs de l'Arc en ciel, des notes
de musique, de la neutralité du Ph. Dans l'imaginaire des contes, on le
retrouve toujours et encore : Blanche Neige est accompagnée de 7 nains et chez
le Chat Botté, les bottes sont de 7 lieues.
Dès lors, rien de surprenant à ce que le chiffre 7 soit
également associé à des saules. L'association remonte peut-être donc à ces débuts
de la chrétienté où symboles gaulois païens (le saule) se mêlent souvent à des symboles
chrétiens (le sept).
Pour Layrac, qui sait, il nous renvoie peut-être aux anciens fossés qui
bordaient la ville au moyen-âge et sur les bords desquels poussaient peut-être
des saules ? ?